C’est quoi le succès ? Autoédition et marketing

Je viens de lire le très intéressant papier de Ghaan Ima, auteur indépendant de SF, « Comment réussir en Indie? Post-mortem de mon premier essai« . Comme le titre l’indique, c’est une analyse de la sortie de son premier livre, de ce qui n’a pas marché et de ce qui pourrait être fait pour améliorer les choses. J’avais un peu envie de rebondir sur ces questions, parce qu’évidemment c’est des problématiques qui touchent et intéressent tout auteur (autoédité ou pas d’ailleurs).

Ghaan n’est pas satisfaite des résultats de ces efforts, notant que malgré avoie essayé de tout « bien fait », son livre ne s’est vendu qu’à une cinquantaine d’efforts. C’est quelque chose que je peux tout à faire comprendre, ayant vécu quelque chose de similaire. Ceci étant dit, Neil Jomunsi faisait une remarque intéressante sur Twitter :

Dans un autre tweet, Neil mentionnait aussi l’existence d’un (non prouvé) « plafond » de 50 exemplaires. Alors je vais tomber d’accord avec lui pour dire qu’effectivement, 50 exemplaires, c’est pas rien. 50 exemplaires, c’est déjà au-delà du simple cadre familial et amical (à part si vous avez une grosse famille et/ou beaucoup d’amis), c’est un niveau où des inconnus ont acheté votre bouquin. C’est sans doute le premier succès, l’achat d’un bouquin par un inconnu. Ceci dit, il y a sans doute une différence entre le succès dans le sens d’une étape franchie et le succès avec un grand S, celui dont la perspective empêche de s’endormir le soir, fait pétiller les yeux et battre le cœur.

Et c’est vrai qu’on a tous un rapport très variable au succès. Je pense que si tous les auteurs veulent le succès, peu ont vraiment réfléchi à ce que ça représenterait pour eux. Certains auteurs peuvent voir le succès comme le fait d’être édité par une maison d’édition prestigieuse, même si derrière, leur livre se vend à 18 exemplaires. Finir son livre, l’imprimer par une société de POD et en distribuer quelques exemplaires à ses amis peut être un succès. D’autres voient peut-être le succès comme la vente de 100, 1 000, ou 10 000 exemplaires de leur livre. D’autres encore verraient le succès comme ce moment où ils pourraient vivre de leur écriture (je crois que je rentre dans cette catégorie). Les définitions du succès sont très nombreuses, même on peut sans doute les diviser en quelques grossières catégories. Et sans doute, chaque auteur devrait réfléchir à ce qu’est sa définition du succès. C’est toujours bien d’avoir un objectif en tête, et ça peut éviter des frustrations futures.

Maintenant, en autoédition, le fait est qu’on peut tout bien faire, corriger son manuscrit par un pro, le relire, faire une belle couverture… et que ça ne marche pas quand même. C’est dommage mais en même temps, ça serait un peu trop facile si ce n’était pas le cas. Il y a toujours plusieurs variables, la première et la plus difficile à jauger étant évidemment la qualité du bouquin. Dit autrement, il est parfaitement possible d’écrire une grosse daube dépourvue de fautes et dotée d’une magnifique couverture.

Mais il y a d’autres facteurs, plus mercantiles certes mais aussi sur lequel l’auteur a plus de prise. C’est un lieu commun dans le monde de l’autoédition US depuis plusieurs années que de dire que, pour vivre de son écriture en tant qu’autoédité, il faut de la quantité. A deux niveaux :

  • Des gros bouquins, les nouvelles et novellas marchant généralement beaucoup moins bien.
  • Des séries, c’est-à-dire plusieurs bouquins ayant une continuité (même héros, même univers, même histoire…)

Evidemment, combiner les deux c’est encore mieux : une hexalogie de fantasy ou chaque volume fait 900 pages, c’est un peu le truc ultime. Dans le même genre, on trouve les séries de polars centrés sur un seul détective : Agatha Christie aurait adoré l’autoédition (vous allez me dire, elle s’est plutôt bien démerdée dans l’édition traditionnelle). Et ça se vérifie plutôt bien parmi les gros succès de l’autoédition française : Jacques Vandroux débite quand même pas mal, et ses plus gros succès sont tous d’une taille honorable. Dans la catégorie polars, on peut citer « Les enquêtes de Dimitri Boizot » de Patrick Philippart, déjà cinq tomes qui semblent plutôt cartonner. Il y a, bien sûr, de nombreuses exceptions à cette règle (premier exemple qui me vient en tête, « Un genou à terre » de Wendall Utroi, le premier livre de cet auteur autoédité qui a été en tête des ventes pratiquement dès sa publication), mais elle semble néanmoins plutôt solide

Du coup dans mon cas, je ne m’interroge pas trop sur le manque de succès de « La Litanie du Train » : une seule novella de 75 pages, ça fait franchement léger pour être reconnu. J’ai parlé d’exceptions, mais même « Un genou à terre » est un bon pavé de 500 pages : je ne connais aucun exemple de novella autoéditée ayant rencontré un succès majeur (si vous en connaissez, n’hésitez pas, faites-moi rêver !).

Je suis en tout cas relativement convaincu que le nombre de livres publiés (et, évidemment, la qualité de ces derniers) a une influence beaucoup plus importante sur la probabilité de rencontrer son public que les habituelles techniques marketing. Pour en revenir à l’article de Ghaan Ima, je suis ainsi assez sceptique quant à la nécessité de contacter journalistes, blogueurs et autres sites spécialisés. Je pense que faire ça permet d’arriver à ce que Neil Jomunsi a appelé le « plafond des 50 exemplaires » : au-delà de ça, y a pas de secret, il faut que les algorithmes se mettent à tourner pour pousser le livre d’eux-mêmes.

Ça ne veut pas dire que c’est toujours inutile, mais ça dépend beaucoup. Donnons trois exemples :

  • Un article dans un canard local ? Pour avoir lu des retours d’expérience de personnes ayant eu ça, ça n’a aucune influence sur les ventes. Et c’est normal : une infime partie des lecteurs seront dans votre audience, et il faut encore que ces lecteurs potentiels posent le journal, aillent sur leur ordinateur, ouvrent un site marchand, tapent le nom du livre… ils auront eu le temps d’oublier votre livre 50 fois.
  • Un article d’un blogueur ? Un effet qui ira de « limité » à « quasi-nul » en fonction de son audimat, et qui ne durera jamais. D’un autre côté, ça peut toujours être bien pour avoir des critiques positives à mettre en avant.
  • Une critique d’un site spécialisé ? Là je pense que c’est le plus intéressant et, s’il s’agit d’un site référence, ça peut vraiment avoir une grosse influence. Tout bêtement parce que les personnes qui lisent ces sites seront exactement dans votre audience.

Quant aux journalistes « des grands médias », à moins que vous soyez personnellement pote avec l’un d’entre eux, n’y pensez pas : ils ne vous regarderont même pas, pas forcément par mépris (bon, sans doute souvent quand même) mais simplement parce qu’ils ont déjà des millions de trucs à lire venant de maisons d’édition et qu’ils n’ont absolument pas envie de sortir de leur zone de confort.

C’est du conseil marketing de comptoir, bien sûr, mais c’est pour dire que, pour un auteur; le meilleur marketing reste la sortie d’un nouveau bouquin. Après, on en revient à la définition du succès : peut-être que vous aviez en tête un livre et un seul, et que c’est uniquement celui-là que vous souhaitiez vendre. Mais ça, c’est différent pour chacun.

 

4 réflexions sur « C’est quoi le succès ? Autoédition et marketing »

  1. Un article très intéressant!
    Je ne suis tout de même pas totalement d’accord avec le fait que l’effet de la chronique d’un blogueur soit de « limitée » à « quasi-nulle », les chroniques les plus lus sur mon blog sont majoritairement celles de livres auto-édités. Mais il est vrai que l’effet d’une chronique s’estompe avec le temps et c’est inévitable, mais l’avis que les blogueurs rentrent sur les sites tels que Babelio, Booknode ou Goodread, lui, reste, et fais une bonne pub à l’auteur.

    Mais j’imagine bien que ce faire connaître doit être très difficile…

    1. Ce n’était pas une critique des blogueurs littéraires dont j’adore le boulot 🙂 Simplement comme je l’ai (assez brièvement mentionné), je pense que l’intérêt du blogueur pour un auteur n’est pas tant dans un effet immédiat sur les ventes mais plutôt dans la « caution » que représente la critique du blogueur.

      Dit autrement, ça ne veut pas dire grand chose si je dis que Claude21475 a adoré mon bouquin, mais ça a beaucoup plus de poids si un blogueur littéraire publie une critique positive vers laquelle je peux renvoyer.

  2. Je ne connaissais pas cette notion de « plafond » mais je la trouve plutôt pertinente. D’autant que je n’ai pas su m’en approcher. Mais avec une simple nouvelle, je suppose que je ne devais pas m’attendre à mieux.
    C’est vrai que la notion de « réussite » est relative, mais pouvoir vivre de sa plume reste un Graal que peux d’entre nous atteignent.
    Au final, je partage ton avis sur les « séries » et plus généralement le nombre de publications. Mais j’ai souvent l’impression que cela demande du coup un travail à plein temps.

    Cercles vicieux ou saut de foi ?

    1. Je pense que ça peut se faire même en travaillant à côté. Mais évidemment, c’est pas facile.

      Si je peux me permettre : j’ai jeté un coup d’oeil à ton site et, de mon point de vue, €2,99 pour une nouvelle/novella de 60 pages, c’est trop. C’est d’autant plus dommage que la couverture est super classe est attire vraiment l’oeil, et tes 3 critiques sont toutes très positives. Je sais que ce prix est attirant pour les 70% de royalties mais pour une nouvelle, ça va repousser énormément de monde.

      Merci d’être passé en tout cas !

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